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« L’éducation des enfants au goût commence in utero »

Éveiller les tout-petits au goût, puis les enfants et adolescents est essentiel. Tout se joue en effet dès le plus jeune âge. Interview des diététiciennes d’Eldora, Nadia Mendonça et Jennifer Bouhon.

Le sens du goût évolue tout au long de la vie. Quelles sont les étapes clés chez l’enfant et à quoi faut-il faire attention pour qu’il prenne de bonnes habitudes ?

N.M. et J.B. Le développement du goût commence déjà intra-utéro à travers l’alimentation de la maman. Si cette dernière a une alimentation variée, la palette gustative de l’enfant en sera bénéficiaire. L’allaitement contribue également à l’exposition aux différents arômes des aliments.

La diversification alimentaire est une étape clé dans l’alimentation de l’enfant. Celle-ci permet à l’enfant le développement sensoriel à travers les textures, les couleurs, les saveurs et les arômes.

On parle souvent de néophobie chez les enfants. De quoi s’agit-il ?

N.M. et J.B. La néophobie peut faire son apparition dès l’âge de 2 ans. L’enfant refuse alors de goûter de nouveaux aliments et devient très sélectif. Cette étape est normale dans le développement de l’enfant. Elle s’estompe vers 7 ans mais peut perdurer jusqu’à l’âge de 10 ans parfois. Il est important de continuer à accompagner les enfants en leur proposant des aliments qui ont peu la cote. Les habitudes familiales contribuent largement à l’acceptation de nouveaux aliments, car les enfants fonctionnent beaucoup par mimétisme. Intégrer l’enfant lors des courses ou de la préparation du repas peut contribuer à atténuer ce phénomène.

L’adolescence peut également être une période compliquée. Faut-il s’en inquiéter ?

N.M. et J.B. À l’adolescence, les jeunes vont facilement se tourner vers des aliments énergétiques (mets gras, sucrés, salés) pour plusieurs raisons : appartenance à un groupe, remise en question des schémas familiaux, croissance, etc. Avec l’âge, les habitudes alimentaires acquises durant la petite enfance referont heureusement surface.

Quelles sont les saveurs préférées de la petite enfance à l’adolescence ?

N.M. et J.B. La saveur sucrée prime dès le plus jeune âge. Le lait maternel ou le lait de croissance, auquel l’enfant est exposé, a une saveur sucrée. Cet attrait pour la saveur sucrée est maintenu pendant la petite enfance car elle est synonyme d’énergie ; contributrice à la croissance de l’enfant et substrat indispensable au bon fonctionnement du cerveau. Toutefois, cela n’est pas une excuse pour proposer des aliments contenant des sucres ajoutés aux enfants !

La saveur salée est introduite à partir de 12 mois. Il n’y a pas d’attrait particulier avant cet âge-là. Comme il s’agit d’un exhausteur de goût, sa saveur est appréciée. L’apport en iode est partiellement couvert grâce à l’utilisation du sel iodé, il reste indispensable en quantité raisonnable (<5g/jour).

L’amertume, elle, est d’instinct primitif perçue comme « du poison ». Raison pour laquelle il peut être parfois difficile de faire manger des légumes aux enfants car sa perception peut être amplifiée.

Les enfants sont d’abord éduqués à l’alimentation par leurs parents. Quel rôle peut jouer un restaurateur de collectivité dans ce processus éducatif ?

N.M. et J.B. Notre rôle en tant que restaurateur de collectivité est de proposer avant tout un repas équilibré qui répond aux besoins nutritionnels des enfants.

Cet équilibre passe par une offre variée, locale et de saison. Ces critères peuvent différer de ceux proposés à la maison et c’est à ce moment-là que notre rôle de « co-éducateur » rentre en jeu. La découverte de nouveaux aliments va étoffer la palette gustative de l’enfant et lui faire aimer, ou non, des aliments différents de ceux proposés à la maison. L’éducation au goût passe également par le visuel dans l’assiette. Nous veillons donc à la présentation et aux couleurs qui influencent beaucoup notre envie de consommer.

Que fait Eldora pour privilégier de bonnes habitudes alimentaires ?

N.M. et J.B. Une attention particulière est portée à l’association des aliments dans l’assiette. Les enfants apprécient les préparations dites « simples » et les menus sont ainsi adaptés en conséquence.

La plupart des établissements du pôle Enseignement sont labélisés Fourchette verte junior. Ce label renforce notre engagement envers une alimentation saine et durable pour les enfants.

Au-delà de ça, des animations sur des thématiques spécifiques sont mises en place tout au long de l’année. Elles peuvent concerner la culture, l’équilibre, des pays, etc. En ciblant une thématique, un pays par exemple, des aliments indigènes vont être mis en valeur et cela permettra de participer à l’éducation alimentaire de l’enfant.


« Donner envie aux seniors de manger est une priorité ! »

La perception des saveurs diminue avec l’âge. Nadia Mendonça et Jennifer Bouhon, diététiciennes d’Eldora, nous expliquent comment stimuler l’appétit des seniors.

Avec le grand âge, les performances sensorielles diminuent. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce phénomène ?

N.M. et J.B. Tout comme l’ouïe ou la vue, la perception des saveurs diminue aussi. Le déclin de l’odorat influence la perception des flaveurs, et la diminution de papilles gustatives a un impact sur la perception du goût. D’autres facteurs comme des problématiques liées à la santé buccale (perte de dents, problèmes de mastication, appareillage, etc.), et les traitements médicamenteux ont également une incidence.

Ces altérations font que les seuils de perception des saveurs augmentent et qu’il est ainsi nécessaire d’ajouter une quantité plus importante de sucre ou de sel pour que la personne soit satisfaite. La perception du sucré resterait la plus sensible et la plus agréable pour la personne âgée, rendant ainsi un attrait important pour ces aliments.

En lien avec les traitements médicamenteux, l’amertume peut continuellement être présente en bouche. La douceur des mets sucrés atténue ainsi ce phénomène.

Si les sens sont moins alertes, cela a-t-il un impact sur l’appétit des seniors ? Si tel est le cas, comment y remédier ?

N.M. et J.B. Oui cela peut avoir un impact. Quand une saveur est privilégiée au détriment d’une autre, par exemple manger plus de sucré que de salé, cela peut favoriser un déséquilibre alimentaire. Ce déséquilibre peut se traduire par un apport diminué en protéines, glucides complexes, fibres, vitamines et minéraux.

Une perte partielle ou totale de la perception du goût influence l’appétit de manière générale et augmente donc le risque de dénutrition.

Pour y remédier, il est important de leur donner envie de manger par d’autres moyens, notamment par le dressage dans l’assiette, car n’oublions pas que nous mangeons avec les yeux.

Les textures doivent également être adaptées si des problématiques bucco-dentaires et pathologiques empêchent une mastication correcte.

D’un point de vue culinaire, favoriser les épices, les fines herbes et les condiments peut intensifier la flaveur des aliments et ainsi faciliter leur acceptation.

Certaines personnes âgées ont des problèmes de déglutition et de mastication. Quelle stratégie Eldora a développée pour que les aînés puissent se nourrir tout en ayant du plaisir ?

N.M. et J.B. L’adaptation des textures est primordiale pour que les personnes âgées puissent maintenir le plaisir de manger malgré les difficultés masticatoires et/ou de déglutition qu’elles peuvent rencontrer.

Une formation spécialement dédiée à cette thématique permet au personnel de cuisine d’apprendre et de pratiquer en détail toutes les déclinaisons de textures possibles. Les diététiciennes ont également créé un guide qui permet aux équipes en cuisine d’avoir un support écrit permanent.

Des projets spécifiques au pôle Santé ont été développés dans le but de prévenir le risque de dénutrition et favoriser l’autonomie et le plaisir de manger des convives.


Bien se nourrir à la saison froide, Les conseils de Jan Tittel, Chef de cuisine exécutif adjoint d’Eldora

Titulaire d’un diplôme fédéral de cuisinier en diététique depuis 2017, Jan Tittel officie aujourd’hui en qualité de Chef de cuisine exécutif adjoint pour Eldora en Suisse alémanique. Il nous livre les secrets d’une bonne alimentation durant l’automne et l’hiver. Interview.

L’automne est synonyme de temps plus froid. En tant que spécialiste de la cuisine diététique, pouvez-vous nous dire quels sont les aliments à privilégier pour rester en forme ?

J.T. Les aliments suivants sont idéaux pour s'adapter à la saison plus froide tout en restant en forme. Ils fournissent l'énergie et les nutriments nécessaires pour traverser les mois froids en bonne santé.

Les légumes racines (carottes, patates douces, panais) : Ils sont riches en fibres alimentaires, en vitamines et en minéraux.

Les courges (hokkaido, butternut) : Elles sont pauvres en calories et contiennent beaucoup de bêta-carotène, qui est transformé en vitamine A dans le corps.

Les légumes à feuilles sombres (chou kale, épinards, blettes) : Ils sont riches en antioxydants, en fer et en calcium.

Les céréales complètes (flocons d'avoine, quinoa, orge) : Elles fournissent des glucides complexes et procurent une sensation de satiété durable.

Les noix et graines (noix, amandes, graines de lin et de chia) : Elles sont riches en graisses saines, en protéines et en fibres alimentaires et fournissent d'importants acides gras oméga-3.

Les légumineuses (lentilles, haricots, pois chiches) : Ce sont d'excellentes sources de protéines végétales et de fibres alimentaires. Elles permettent de rester rassasié longtemps.

Les pommes et les poires : Les fruits d'automne sont riches en vitamines et en antioxydants. Ils sont parfaits comme en-cas ou comme ingrédients pour les desserts.

Le gingembre et le curcuma : Ces deux épices sont réputées pour leurs propriétés anti-inflammatoires. Elles peuvent être utilisées dans les thés, les soupes ou les currys.

Les poissons gras (saumon, maquereau, hareng) : Ces types de poissons sont riches en acides gras oméga-3.

Les champignons : Les champignons sont une bonne source de vitamine D, qui se fait souvent rare en automne et en hiver, car la lumière du soleil est moins disponible.

Quels sont les légumes et les fruits les plus riches en vitamines que l'on trouve sur le marché pendant la saison froide ?

J.T. La famille des choux est particulièrement intéressante, et aussi les carottes, betteraves, agrumes et radis. Je vous livre une liste dans laquelle piocher en hiver.

Le chou vert (vitamine C, vitamine A, vitamine K) : Ce légume est une excellente source de vitamine C. Il contient également beaucoup de vitamine A et de vitamine K.

Les choux de Bruxelles (vitamine C, vitamine K) : En plus d’être riches en vitamines C et K, ils contiennent des fibres et des antioxydants.

Le chou rouge (vitamine C, vitamine K, acide folique) : Le chou rouge est particulièrement riche en vitamine C et contient également des anthocyanes, réputés pour leurs propriétés antioxydantes. Il fournit aussi de la vitamine K et de l'acide folique.

Les carottes (bêta-carotène, vitamine A) : Une excellente source de bêta-carotène, qui est transformé en vitamine A dans l'organisme.

La betterave (acide folique, vitamine C, fer) : La betterave contient beaucoup d'acide folique et de vitamine C, ainsi que du fer.

Les agrumes (vitamine C, acide folique) : Les agrumes sont l'une des meilleures sources de vitamine C. Ils sont disponibles en abondance en hiver et apportent de la fraîcheur à l'alimentation.

Le radis (vitamine C, acide folique) : Le radis est pauvre en calories, mais riche en vitamine C et en acide folique. Il accompagne bien les plats d'hiver et apporte un peu de piquant dans les mets.

Est-il nécessaire de prendre des comprimés de vitamines pour enrichir notre alimentation ?

J.T. En principe, une alimentation équilibrée, composée d'aliments frais et variés, devrait couvrir la majeure partie de vos besoins en vitamines. Toutefois, dans certaines situations de vie, en cas de régime alimentaire spécifique ou lorsqu'une carence est constatée, les comprimés de vitamines peuvent être utiles. Il est important de prendre de telles décisions en concertation avec un médecin ou un diététicien.

En automne et en hiver, de nombreux Suisses préfèrent les plats plus gras comme la fondue, la raclette, la choucroute ou une saucisse aux choux, accompagnée d'un papet vaudois. Qu'en pensez-vous ?

J.T. Ces plats nous font certes plaisir, mais ils sont également très caloriques et riches en graisses. Il convient de ne pas les consommer quotidiennement, de privilégier des petites portions, en les dégustant lentement pour atteindre plus rapidement la sensation de satiété. Les plats d'hiver suisses sont souvent associés à des repas conviviaux, comme la fondue ou la raclette. Le fait de manger ensemble, en toute convivialité, favorise une alimentation consciente et permet de prendre son temps et de ne pas trop manger.

D’autres astuces pour rendre ces mets moins lourds ?

J.T. Je recommande de les accompagner d’une généreuse portion de légumes ou d’une salade fraîche. La choucroute est idéale à cet égard, car elle est non seulement pauvre en matières grasses, mais également riche en fibres alimentaires et en vitamine C. Pour la fondue et la raclette, vous pouvez privilégier des fromages à teneur réduite en matières grasses, et les servir avec des légumes supplémentaires comme le brocoli, le chou-fleur ou le poivron.

Si du pain ou des pommes de terre sont servis en accompagnement, choisissez des variantes de céréales complètes afin d'absorber davantage de fibres. Celles-ci aident à maintenir un taux de glycémie stable et favorisent la digestion.

Enfin, dans les recettes nécessitant de la crème ou de la crème fraîche, il est parfois possible d'utiliser de la crème aigre ou du yaourt à faible teneur en matières grasses.

Faut-il compenser les repas trop gras par de l’activité physique ?

J.T. C’est une excellente chose. Les quantités de calories un peu plus élevées consommées peuvent être compensées par une activité physique régulière. Une promenade après le repas ou des sports d'hiver comme le ski ou le patin à glace sont idéaux pour rester actif.

Quels sont les plats d'hiver préférés des clients en Suisse alémanique ?

J.T. Les convives apprécient particulièrement les macaronis du chalet, les plats braisés (ragoût ou rôti), les potées et les rösti au fromage.